La grippe, la rumeur et....

Publié le par christiane

 De retour à Assiout, comme tous les lundis, je me précipite à l'école du centre ville, et trouve les établissements presque vides. Peu d'élèves dans le cours de français auquel je voulais assister et personne dans les suivants. Et lorsque je me suis assise à un petit bureau dans la classe, la prof s'est mise à crier qu'il ne fallait pas que je m'assoie là car c'était le bureau de l'élève malade ! Après discussion, j'apprends donc qu'un élève a été reconnu comme ayant la grippe et que les parents d'élèves ne veulent plus envoyer leurs enfants à l'école de peur que ceux-ci l'attrapent.
Assiout déc 09 2e 008Assiout déc 09 2e 010
Entrain de plancher sur un exercice, très sérieusement, mais pas longtemps quand même!
Lors du cours commun des profs, la moitié seulement se présente. Et je rentre, constatant que la porte de l'école en bas de mon immeuble est déjà fermée. Or d'habitude le gardien met le cadenas vers 15h45. Curieux, mais je ne me pose pas de question. C'est seulement le soir, avec l'arrivée d'une étudiante, que j'apprends que l'école Haditha est fermée depuis samedi ! Personne ne m'avait prévenue ! Comme j'étais partie tôt, je n'avais pas réalisé qu'il n'y avait pas foule dans le jardin, mais comme la matinée était froide cela ne m'a pas surprise.
 Des profs du préparatoire désoeuvrés
Assiosut déc 09 002Le lendemain, je pars pour Mattatawera, et là, chez la directrice que j'étais allée saluer, un coup de fil d'un parent pour l'avertir qu'un élève est mort hier chez Mme Georgette (directrice du centre ville). Je lui explique donc que j'étais là-bas hier et qu'aucun enfant n'est mort à l'école. Elle me croit à moitié et je pars assister aux cours. Il manque aussi ici quelques élèves dans les classes, pour la même raison. En descendant, la directrice me dit " je viens de téléphoner à Mme Georgette, l'information était fausse". J'arrive à Haditha, et là on se précipite pour me dire " Il parait que chez Mme Malak, il y a déjà un mort ! Et moi d'expliquer que j'en viens et qu'il n'y a pas de mort à dénombrer, ni là ni chez Mme Georgette.
Ah là là, la rumeur, le pays n'est que rumeurs, et c'est désopilant, car on a beau expliquer (preuve à l'appui, puisque j'ai distribué en cours une copie des informations du site de l'ambassade de France sur ce sujet, plus celle du ministère indiquant les symptômes) ce qu'est la grippe porcine, et qu'il semble qu'il y ait peu de différence avec la grippe saisonnière, sinon qu'elle est plus contagieuse, mais que ce n'est pas la peste, rien n'y fait :" il y a déjà des centaines de morts, oui je l'ai vu à la télévision ou entendu à la radio", et ça va bon train... Mais depuis, les quatre écoles sont désertes, et moi je traîne comme un âme en peine, comme les autres profs qui n'ont plus le moral et n'ont pas envie, dans ce contexte de se fatiguer à apprendre le français.
La rumeur est un sport national en Egypte. Il en circule continuellement. Voulu, pas voulu ? Tout facilite son expansion : des informations tronquées, quand il y en a, ou peu précises : tout l'art est de dire les choses sans vouloir les expliquer ni utiliser les mots appropriés, tout en semblant d'un franchise totale ! Et de plus, la peur et la crédulité des gens, même parfois cultivés, n'arrangent pas la situation. Il m'est difficile de le vérifier directement aux niveaux des informations, mais en prenant l'exemple qui m'est resté en mémoire, car c'était le premier, j'ai pu le constater. El Arham (le journal égyptien en français) avait annoncé, il y a un an, que l'inauguration du musée islamique avait eu lieu, avec photos de personnalités à l'appui et qu'il allait ouvrir prochainement; le "prochainement" n'était pas le mot exact puisque ce musée est toujours fermé ! Mais des amis égyptiens m'ont assuré l'avoir vu ouvert ! Et je pourrais en citer en exemple des dizaines ainsi.
 

... Et l'oisiveté

Les classes désertes me donnent le temps de faire de nouvelles connaissances ou de rendre visite à des anciennes, et de flâner dans Assiout... et de prendre le taxi, mon vélo roulant de plus en plus difficilement, malgré toute la graisse que je peux lui mettre ! Le réparateur ne trouve rien d'anormal ! Bon. Les taxis ici sont incroyablement vieux. De vielles Simca, Peugeot et Fiat pour la plupart, qui doivent arriver certainement du Caire. Il paraît qu'il y a 20 ans, le gouvernement donnait une aide au rachat d'un nouveau véhicule à qui céderait son véhicule ancien à un chauffeur de taxi, afin de renouveler les stocks. Et j'en déduis que les chauffeurs de taxi du Caire ont dû donner le leur, encore plus vieux, à des chauffeurs de province !DSCN0932
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Mais pour les rendre plus attrayant, les propriétaires leur mettent des phares multicolores alternatifs qui les font ressembler à des autos tamponneuses, des tas de rétroviseurs qu'ils ne regardent jamais, et, à l'intérieur, des amulettes à n'en plus voir la route. Je suis monté dans un, une fois, hélas sans appareil, qui avait toute une collection de peluches, tout autour du pare-brise, et sur la plage avant il y avait en plus au milieu de tout ce petit monde, un immense serpent en tissus !

Donc en taxi ou en vélo, je suis allée au marché faire quelques emplettes de cadeaux pour Noël, acheter des fruits pour mes confitures et flâner.

avril-mai-09-194.JPGDSCN0935.JPGJ'ai enfin rencontré Sœur Laurice, francophone parfaite, après presque un an d'échange au téléphone. Il faut dire qu'à chaque invitation de part et d'autre, l'une ou l'autre n'était pas à Assiout ! Mais cette fois ci, nos agendas concordaient. Elle préside une petite communauté de sœurs de St Joseph de Lyon qui a pour habitude de s'implanter dans un quartier pauvre et d'aider les familles à affronter leur problèmes. Elle est installée à El Wasta, un village ou plutôt gros bourg le long de la rive Est du Nil. Elle a eu la gentillesse de venir ma chercher et m'a fait découvrir ce village que je ne connaissais pas encore.Assiosut déc 09 014
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Une école les a accueillies il y a six ans au dernier étage et la vue sur tous les toits du village est surprenante. Une des sœurs avait préparé un succulent repas dont j'ai fait honneur et nous avons été ensuite à l'église copte qui préparait avec l'aide des sœurs des petits spectacles pour Noël. Assiosut-dec-09-010.JPGAssiosut-dec-09-018.JPGJ'ai ensuite pris le bac, dont j'ignorais l'existence malgré mes questions aux professeurs, car Assiout aurait été la seule ville à n'en point posséder. Le coucher de soleil derrière le nouveau pont ainsi que les rives baignées par les derniers rayons, étaient superbes et je suis rentrée juste avant la nuit. Ah, j'oubliais, j'avais dû accepter d'emporter un pot de délicieux potage aux épinards, un pain fait maison, un gros morceau de gâteau e un pot de ma confiture préférée, aux figues !

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Le père de Samah m'avait parlé de son professeur de français lorsqu'il était pensionnaire à l'école Haditha où j'habite et il en avait gardé un excellent souvenir. J'ai fait le lien avec le prêtre d'origine polonaise que j'avais rencontré avec un professeur l'an dernier. Celui-ci, fort âgé maintenant, avait été envoyé en France faire ses études juste avant la déclaration de la guerre. Il avait atterri à Briançon et y est donc resté après 1945. Il a fait ses séminaires à Toulouse, a rejoint je ne sais plus quel ordre, qui l'a Assiout déc 09 2e 018envoyé en Egypte une fois ordonné. Il y est resté, y habite depuis et a pris la nationalité égyptienne. Samah et moi avons donc décidé d'organiser une rencontre avec son père.
Nous avons été tous les trois lui rendre visite et les retrouvailles étaient émouvantes et joyeuses. Je ne comprenais pas grand chose de leur discussion mais leurs rires à l'évocation du «bon vieux temps» étaient agréables à entendre.


Et comme Noël approche, j'ai fait le tour de quelques églises pour découvrir les décorations. Rien chez les évangélistes, sinon des lumières dans un arbre, mais deux belles crèches dans l'église catholique.
Assiout déc 09 2e 016  Assiosut-dec-09-030.JPG 
Eriny avait acheté un magnifique sapin artificiel. Elle m'a invitée à le décorer avec sa Assiout-2e-annee 3726maman qui était venue voir où sa fille habitait. Cela m'a fait très plaisir. Naturellement cette tâche a été suivie d'un bon dîner. Je suis invitée à aller passer le 31 décembre chez elles à Minia. Chez les évangélistes, c'est ce jour-là qu'ils fêtent la fin de l'année et Noël, en attendant le 7 janvier, jour de fête nationale pour tous les égyptiens, où les protestants et les catholiques se joignent aux orthodoxes pour célébrer ensemble la naissance du Christ.

Et ce jour là, comme à Paques, toutes les églises débordent de paroissiens, jusque dans la rue...
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